L'aviateur

L'aviateur est descendu
De son appareil flambant
Neuf, après avoir perdu
Ses ailes en décollant.

Il est monté, et n'a pu
Voler plus qu'un éphémère
Papillon, qu'un voeu déçu,
Ou une trop vague chimère ...

Il est triste, et se demande
- Ô Dieux ! - Lequel l'a puni,
Et a refusé l'offrande
De son corps quittant le nid -

- Bien sur ! C'est pour qu'à sa place
Puisse aux vents un bel oiseau
Plonger dans le vaste espace,
Aigle ou geai, mais tout là-haut !

- Sur ! L'Homme a déjà la terre
Pour son pied lourd, et l'esprit
Pour s'évader de sa sphère
Natale, si grave en bruit ...

L'aviateur crut bien comprendre
Pourtant, peu de temps après,
Le coeur comme à pierre fendre
Devant ses ailes brisées,

Il ne put que réparer
Cette horreur qu'il aimait tant
C'était sa fatalité !
Mais s'il avait su, pourtant !..

Ses ailes rafistolées,
Le moteur toujours partant
Et les hélices gonflées,
Il se revit confrontant

Les vents froids d'un pôle nord
Aux Siroccos les plus chauds !
Que lui importait la mort
Ou les plus tendres échos ?

Il lui fallait bien vivre !
Et vivre sans jamais vivre
Ce qui rend d'un simple homme ivre,
Ce n'est pas vraiment ça, Vivre !

Il décolla enfin, libre
Comme l'air, comme l'oiseau
Trouvant sans fin dans sa fibre
La raison d'aller si haut,

Sa raison folle de vivre !..
Et vrai, du milieu des cieux,
Si peu que dura ce livre,
Il mourût, oui, mais heureux !